Encore une fois l'homophobie frappe une association LGBT,
Lu dans Yagg :
Les Gais Musette, l’association LGBT de danse à deux qui organise chaque année en été des stages d’une semaine dans un gîte, se sont vu refuser l’accès à un lieu sur un motif explicitement discriminatoire.
ENTRE “ÉTHIQUE” ET “ENFANTS”
Alors qu’ils étaient en négociation depuis plusieurs semaines avec les propriétaire du lieu “Cœur et Jardins” et qu’ils avaient toujours été clairs sur l’objet et le public de leur association, ils ont reçu le 26 mars dernier le mail suivant:
“Monsieur,
Nous vous informons que, ayant reçu l’information ce matin, concernant le public spécifique, qui fréquente vos stages, nous ne souhaitons pas accueillir ce groupe dans notre lieu. Nous avons accepté vos demandes concernant l’alcool et la viande, mais l’homosexualité ne correspond pas aux énergies et à l’éthique que nous développons, sur notre lieu, pour nous-mêmes, notre entourage, et nos enfants.
Par conséquent, nous vous invitons à chercher un autre lieu. Fanny et Alain.”
Le mail des propriétaires a au moins le mérite de ne pas laisser de doutes sur le caractère discriminatoire de leur refus. Jean-François Bœuf, secrétaire des Gais Musette, témoigne sur Yagg du déroulé de cette affaire et de sa déception, amère:
“On organise chaque été un stage de danse d’une semaine avec nos adhérents. On a l’habitude de le faire dans un gîte en Bourgogne, mais cette année ce n’était pas possible car le propriétaire a des soucis de santé. On ne l’a appris qu’en janvier, on a donc rapidement prospecté pour un nouveau lieu. On a trouvé celui-là, un peu par défaut, mais il semblait correspondre à ce que nous cherchions: le lieu proposait la pension complète, des salles pour nos cours de danse et le tout à un tarif très raisonnable. De plus, sur leur site internet, on pouvait lire “Notre objectif : contribuer à l’ouverture du Cœur et des Consciences. (…) Cœur et Jardins se veut ouverte à tout enseignement spirituel vivant et reste en dehors de toute appartenance religieuse ou considération sectaire”, ça nous semblait être une association humaine, ouverte, libre, un peu new age”.
“ON N’EXCLUT PAS LA POSSIBILITÉ DE SAISIR LA HALDE”
“L’association était gérée par un couple et on a commencé à prendre contact avec eux dès le mois de janvier. Pendant les premières semaines, on n’avait eu affaire qu’à Monsieur avec qui on a tout de suite été très clair sur ce qu’était notre association et sur ses participants homosexuels. Nous étions alors déjà bien avancé dans nos démarches lorsque nous avons commencé à parler de l’organisation du séjour. Leur association est végétarienne et ne prévoit pas d’alcool pendant les repas, nous les avons donc recontactés fin mars pour obtenir l’autorisation d’organiser pendant notre séjour quelques repas avec de la viande et quelques repas avec un peu de vin. Nous avons alors eu affaire à Madame, que l’on a eue au téléphone. On lui a formulé cette requête et nous lui avons rappelé une fois de plus l’objet de notre association. Le lendemain, soit deux mois après le début de nos démarches auprès d’eux, nous avons reçu ce mail de refus très explicite”.
“Nous étions tellement surpris et déçus. On a discuté entre nous, pour savoir si nous choisissions d’insister ou de laisser tomber. On a finalement décidé de ne pas prendre le risque de gâcher notre stage avec l’attitude de ces personnes et de choisir un nouveau lieu. On leur a néanmoins envoyé un courrier en recommandé pour leur dire notre déception et que leur attitude pourrait être punie par la loi. On n’exclut pas la possibilité de saisir la Halde [Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, ndlr]. Cette histoire montre que le combat contre l’homophobie est encore loin d’être gagné. Il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre les discriminations”.
“L’AMALGAME AVEC LA PÉDOPHILIE EST ODIEUX”
Pour Christine Le Doaré, présidente du Centre LGBT Paris IdF, qui s’exprime dans un communiqué: “Il s’agit bien d’homophobie caractérisée réprimée par la loi (…). En outre, l’amalgame avec la pédophilie est également explicite, ce qui est proprement odieux. Ce courrier est particulièrement grave, rarement une discrimination est commise de façon aussi ouverte, comme si ses auteurs étaient certains de leur bon droit. Les Gais Musette sont légitimes à faire valoir leurs droits, à saisir la Halde et informer SOS homophobie, observatoire de l’homophobie en France. Le Centre LGBT Paris IdF dont ils sont membres leur apporte tout son soutien et déplore qu’en 2010 en France, les préjugés et discriminations homophobes soient toujours aussi vivaces”.
“De tels actes ne sont pas isolés”, ajoute dans un autre communiqué l’Inter-LGBT, qui soutient à son tour les victimes de cette décision homophobe. “Chaque année, les homosexuels subissent des discriminations de tiers qui dans ces actes expriment tout à la fois leur perception de l’homosexualité et leur peur de l’altérité. C’est pourquoi, avec pour mot d’ordre, “Violences, discriminations: Assez! Liberté, égalité, partout et toujours”, l’Inter-LGBT tient à apporter son soutien à l’association Les Gais Musette. Pour notre inter-associative, ces comportements ne pourront être modifiés en profondeur qu’à la condition de réelles politiques de lutte contre les discriminations qui prennent en compte des mesures éducatives contre les préjugés”.
“ÇA VA ÊTRE CARNAVAL”
Contactée par Yagg, l’association Cœur et Jardins n’a pas souhaité nous répondre. Mais le couple de propriétaires s’est exprimé hier dans la presse locale, à travers une interview au Dauphiné Libéré. Pensant probablement rattraper les choses, ils finissent finalement par à en remettre une couche: “Le mail a pu être mal interprété. On reconnaît que ça peut être blessant. C’est dit d’une façon maladroite (…) On a quatre enfants. On vit tous là et (…) j’ai pris peur. Je me suis dit : “sur un regroupement comme ça, ça va être carnaval”, explique Alain Hermier. Et sa femme, Fanny Hermier, ancienne éducatrice spécialisée, d’ajouter: “Nous avons eu peur de dérives sexuelles… Peut-être était-ce une projection de notre part. Ce n’est pas l’homosexualité mais la sexualité qui nous a fait peur”. Alain Hermier se défend, bien sûr, de toute homophobie et “invite Les Gais Musette à venir passer une journée dans leur vieille bâtisse pour jouer la transparence et discuter”. Une réaction des propriétaires qui laisse perplexe.
FAIRE RESPECTER LA LOI
Caroline Mécary, avocate, invite quant à elle Les Gais Musette à réagir plus fermement, à la hauteur du préjudice qu’ils ont subi. “Ce que l’association Les Gais Musette a vécu est absolument inadmissible! Et cela tombe clairement sous le coup de la loi, sous le coup des articles 225-1 et 225-2 du code pénal. Je ne saurais que les encourager à porter plainte au pénal, à saisir le procureur de la République du lieu en question. La démarche est simple, il suffit de lui écrire”.
“Il faut arrêter de se laisser faire par des gens qui se croient autorisés, comme c’est clairement le cas ici, à refuser un service à des LGBT”, ajoute-t-elle. C’est gravissime, surtout lorsque l’on voit l’idéologie qu’il y a derrière. Qu’aurait-on dit s’il s’était agi d’une association juive? Une démarche judiciaire, c’est une façon de rappeler la loi et de dire publiquement à tous ceux qui voudraient faire pareil, qu’ils n’ont pas le droit de le faire. Les propriétaires du lieu n’en ont visiblement rien à faire de ce qu’ils ont fait. La seule manière de faire comprendre la loi à ceux qui la transgressent est de les punir par cette loi”.
Selon l’article 225-2, cité par Caroline Mécary, “lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° [ndlr, "1° A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service"] est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75000 euros d’amende”.
“LE DOMAINE DU POSSIBLE”
Les Gais Musette tentent désormais d’aller de l’avant: “ce qui est important aujourd’hui c’est que l’on ait pu trouver un nouveau lieu pour le prochain stage. Après cette expérience malheureuse, le fait que l’on ait réussi à organiser ce stage est finalement une bonne leçon donnée à ceux qui nous ont refusé. À défaut de partir en Ardèche, nous partirons finalement dans le Gers, près d’Agen. C’est plus cher, mais au moins, nous y serons respectés”. Le nouveau lieu du stage est bien nommé: “Le Domaine du possible”.